Onéguine

d’après Alexandre Pouchkine / Jean Bellorini / TNP CDN Villeurbanne

Les cinq comédiens de Jean Bellorini, désormais directeur de l’historique TNP de Villeurbanne, portent délicatement les magnifiques octosyllabes rimés du grand roman de Pouchkine à l’oreille des spectateurs pourvus de casques audio. Une immersion intime et fascinante dans l’œuvre du célèbre écrivain et la Russie impériale du XIXe siècle, doublée d’une grande réussite théâtrale.

Dans une traduction lumineuse d’André Markowicz (à qui il aura fallu près de vingt-huit ans pour transcrire les huit chapitres et les cinq-mille-cinq-cent-vingt-trois octosyllabes du livre !), l’histoire d’amour dramatique du jeune aristocrate russe frissonne de force romanesque et de violence.
Eugène Onéguine est un dandy qui noie son spleen dans le luxe et la fête. Il éconduit sans ménagement la belle Tatiana, jeune fille noble de la campagne, et séduit par désœuvrement sa sœur, la fiancée de son meilleur ami. Ce dernier, fou de douleur, le provoque en duel. Le blanc de la neige se teintera bientôt d’écarlate…
Assis sur des gradins qui se font face, entre lesquels évoluent les comédiens-narrateurs, les spectateurs entendent dans leurs casques ce qu’on imagine chez soi dans le silence, quand on lit Onéguine : les bruits de la ville et les sons de la campagne, les grelots des fiacres et le crissement de la neige, le souffle d’air d’une lettre glissée sous une porte, les trilles d’un rossignol et les rafales du blizzard… Tout y est, perceptible, sensible. Ainsi naît le théâtre d’une écoute fertile. Une proximité charnelle et captivante s’installe alors entre les spectateurs et le roman de Pouchkine, servi par des comédiens époustouflants, qui donnent aux tumultes de l’âme slave une force épique.

Tout vit, tout vibre. On est plongé dans le poème. On en ressent chaque nervure. LE FIGARO