Nous sommes seuls maintenant

Julie Deliquet / Collectif In Vitro

Alors que la France célébrait récemment les cinquante ans de mai 68, doit-on définitivement enterrer son héritage ? Annoncer la fin des utopies ? C’est la question qui traverse l’œuvre de Julie Deliquet et cette création atypique sur le thème de la famille, fruit d’improvisations collectives où comédiens et personnages fusionnent.

Un repas de famille dans une maison des Deux-Sèvres au début des années quatre-vingt-dix. Autour de la table de la maison de campagne fraîchement acquise par François et Françoise, du grand-père à la petite-fille en passant par les sœurs et leurs époux respectifs, toute la famille se retrouve pour visiter le lieu et trinquer en l’honneur de cette nouvelle étape dans la vie du couple. Et comme la mirabelle a tendance à délier les langues… ils se racontent.
Sous l’œil de leurs enfants de vingt ans et malgré les utopies envolées, les révolutionnaires d’hier refusent l’idée de vieillir. Et ces enfants de mai 68 se questionnent : quel héritage nos parents nous ont-ils laissé ? Nous sommes seuls maintenant est une création collective d’une grande intelligence dramaturgique et d’une éblouissante vérité. Dans ce vrai théâtre populaire, à l’humour acide, chacun a inventé son personnage et le réinvente tous les soirs, entre ironie et tendresse.
A trente-huit ans, Julie Deliquet fait partie des chef-fe-s de file du renouveau théâtral hexagonal, réinventé par la constitution de collectifs. Les membres de la compagnie In Vitro explorent avec elle une forme d’écriture orale issue des répétitions et des improvisations, pour finalement composer une captation du vivant qui leur est propre. Avec insolence et une rafraîchissante vivacité, cette pièce chorale pensée comme un long plan séquence dessine subtilement le portrait d’une famille qui pourrait être la nôtre.

Chacun a inventé son personnage. Les archétypes bobos, paysan, profs, agent immobilier de droite ou camarade à l’accent espagnol sont bien vus et interprétés, avec un sens de l’humour cousin du tandem Bacri/Jaoui. L’essai est ici parfaitement abouti. Libération