Après Le Misanthrope et Tartuffe, le directeur du Théâtre national de l’Odéon replonge dans l’œuvre de Molière avec cette comédie grinçante, explorant les non-dits et les secrets de cette maison-abri-prison. Un spectacle résolument féministe et humain.
Pourfendeur invétéré du mariage et des maris cocus, Arnolphe s’apprête pourtant à épouser la jeune Agnès, qu’il a recueillie et élevée en ingénue à l’écart du monde. Il pense l’avoir ainsi protégée des vices qu’il redoute. C’est donc avec une enfant de dix-sept ans qu’Arnolphe veut se lier, une enfant qui ne connait rien d’autre que les quatre murs sans fenêtre de la maison d’un homme qui est, de fait, son père adoptif ! Comme souvent chez Molière, la farce est terrible.
Lue d’aujourd’hui, L’École des femmes distille en effet un fort malaise. Malaise devant la folie totalitaire d’Arnolphe. Malaise devant l’ignorance de cette jeune fille, dont on ne sait si elle relève d’une inadaptation au monde ou d’une ruse de survie. Cette situation d’enfermement, à la fois physique et idéologique, est d’une violence rare. La cruauté qui en découle va peu à peu se retourner contre Arnolphe avec l’intensité des cauchemars.
Toute la pièce se déroule devant la maison qui “abrite” Agnès. Mais Molière a ménagé de mystérieuses ellipses entre les actes, pour des scènes qui se passent dans le secret de la maison, et qui seront ensuite plus ou moins racontées… Autant d’espaces de fantasme et d’appels à s’engouffrer dans le roman caché de la pièce. Comme il l’avait fait pour Tartuffe en 2008, c’est ce roman que Stéphane Braunschweig se propose d’explorer. Au théâtre d’entrebâiller les volets fermés (pour découvrir peut-être une autre Agnès, celle qui échappe au fantasme d’Arnolphe) et de faire résonner le comique, aussi noir qu’étrange, de la folie moliéresque.
Et c’est assez pour elle, à vous en bien parler,
De savoir prier Dieu, m’aimer, coudre et filer.
Acte 1, scène 1
« Stéphane Braunschweig réussit une mise en scène qui saisit admirablement les liens fragiles, fous et fascinants, brûlants et inquiétants entre les sexes. » Télérama
« La mise en scène de Stéphane Braunschweig, servie par d’excellents acteurs mis en tension dans une atmosphère sombrement électrisante, hisse L’Ecole des femmes de Molière entre le rire affranchissant et la conscience d’un féminicide à l’oeuvre. » Médiapart
En montant L’École des femmes à l’heure de MeToo, Stéphane Braunschweig offre à voir une réjouissante entreprise de démolition de la domination et de la violence masculine. Les Inrocks