Avec les acteurs de la Comédie-Française, Ivo van Hove, l’un des metteurs en scène les plus marquants de la scène européenne, s’empare de la version censurée du chef-d’œuvre de Molière, jusqu’alors inédite. Une création explosive, aussi sensuelle que féroce, qui dénonce les faux-semblants.
La genèse de cette mise en scène est aussi passionnante que romanesque. Chacun connaît la trame de la comédie canonique de Molière. Tartuffe, faux dévot et réel imposteur, s’incruste dans une famille fortunée pour déposséder de ses biens le maître de maison, Orgon, un bourgeois crédule en quête de rédemption. Jugée trop critique à l’égard de l’Église, la pièce fut interdite par Louis XIV dès sa création en 1664, après une seule représentation. Molière la remania trois ans plus tard en y ajoutant une fin plus « correcte ». Il ne restait aucune trace de la version initiale… Jusqu’à l’intervention de Georges Forestier, qui en a reconstitué la trame censurée, rigoureusement et scientifiquement.
C’est cette version inédite que propose le maître flamand Ivo van Hove avec la troupe de la Comédie-Française, parmi laquelle on retrouve Denis Podalydès, Dominique Blanc, Marina Hands, Loïc Corbery… virevoltants dans un décor moderne et chatoyant. On y découvre une comédie d’une férocité inouïe, exacerbant aussi bien la violence que la passion qui gagnent et dévorent les êtres piégés par l’ambivalence de leurs sentiments. La mise en scène à l’encre noire d’Ivo van Hove distille en contrepoint une redoutable ironie burlesque. Entre rires et frissons, ce Tartuffe interdit est plus qu’une version inédite : une éclatante réinvention qui laisse le public pantois et ravi.
Télérama Fabienne Pascaud