Angelin Preljocaj relève le défi de s’emparer de ce monument du répertoire classique, rendu légendaire par le grand maître de ballet Marius Petitpa. Avec ses vingt-six danseurs aériens en état de grâce, ce Lac des cygnes revisité tient pleinement sa promesse.
Mêlant le chef-d’œuvre musical de Tchaïkovski à des arrangements plus contemporains, il transpose l’histoire de la princesse-cygne au cœur des problématiques écologiques de notre temps. Après Blanche Neige et Roméo et Juliette, Angelin Preljocaj renoue avec le ballet narratif. Son prince Siegfried a une mère mais aussi, désormais, un père. Un industriel qui veut développer encore son activité, dû-t-il polluer l’eau ou assécher le lac tout proche. Le fils s’y oppose, par amour pour une femme-cygne.
Angelin Preljocaj réussit la prouesse d’une totale réécriture chorégraphique tout en multipliant les références à l’œuvre originale et en assumant pleinement sa charge émotionnelle. Il demeure fidèle à la structure du ballet classique, aux actes « blancs » et aux ballerines vêtues de tutus asymétriques, qui déploient leurs arabesques avec virtuosité. La tradition du divertissement est également respectée. En effet, les danses de caractère (danses orientales et espagnolades) y sont revisitées avec humour, tel un spectacle dans le spectacle, une parenthèse dans l’intrigue. Une façon aussi, pour le chorégraphe, de renouer avec cette attirance pour la culture russe, ainsi que la mémoire de la danse qui lui tient tant à cœur.
La qualité de la troupe est exceptionnelle. Preljocaj s’amuse à casser les codes mais réussit toujours à retomber sur ses pieds avec agilité. Pour notre plus grand plaisir.
Le Figaro Magazine