Aujourd’hui en Belgique, un jeune garçon et une adolescente venus seuls d’Afrique opposent leur invincible amitié aux difficiles conditions de leur exil.
Particulièrement impressionnante est l’approche de Jean-Pierre et Luc Dardenne. Les myopes et les paresseux diront que les frères refont plus ou moins le même film, alors qu’au contraire ils ne cessent d’explorer de nouvelles possibilités de prendre en charge la réalité pour en faire à la fois récit et question.
[…] Si Tori et Lokita est riche en émotions et en rebondissements, le parti pris des auteurs de Rosetta et du Silence de Lorna repose surtout sur le choix de ne jamais en rajouter dans le pathos, la psychologie, les cas singuliers. Personne n’est « méchant » dans Tori et Lokita.
Chacune et chacun fait ce qu’il ou elle a à faire, aussi calmement que possible. Il peut advenir que cela ait des conséquences tragiques, mais sans que ne soit intervenue aucune autre force que les enchaînements des nécessités. Ce qui advient ne résulte d’aucune malveillance ou agressivité de quiconque, mais de la situation elle-même, des rapports d’exclusion et de domination comme des mécanismes du marché, rapports et mécanismes mis à nu parce que nettoyés de toute psychologie et de tout moralisme. Et c’est absolument terrifiant.
JEAN-MICHEL FRODON – SLATE, 26 MAI 2022