Lydia Tár, cheffe avant-gardiste d’un grand orchestre symphonique allemand, est au sommet de son art et de sa carrière. Le lancement de son livre approche et elle prépare un concert très attendu de la célèbre Symphonie n°5 de Gustav Mahler. Mais, en l’espace de quelques semaines, sa vie va se désagréger d’une façon singulièrement actuelle. En émerge un examen virulent des mécanismes du pouvoir, de leur impact et de leur persistance dans notre société.
Cela faisait bien longtemps qu’un film, un vrai film d’auteur, n’avait pas autant passionné le public, qu’un personnage fictif n’avait pas suscité
autant d’engouement et de commentaires. Depuis sa sortie anglosaxonne dans les salles, les uns proposent leur délire interprétatif sur le sens de la fin, les autres s’insurgent contre la misogynie du portrait qui est fait de Lydia Tár, brillante cheffe d’orchestre que le film qui porte son nom cueille au sommet de sa carrière. Il faut préciser à quel point actrice et personnage ici ne font qu’un, à quel point Cate Blanchett, comédienne à la technique absolue, s’épanouit dans ce rôle qui est son meilleur : la netteté de son jeu, sa voix grave et son phrasé louvoyant hypnotisent, formulent à eux seuls un grand spectacle – elle est le métronome de toutes les scènes. […] Tár est un film qui saisit poétiquement l’air du temps, y puise une nouvelle manière de raconter une histoire. Surtout : il laisse tranquille le spectateur, libre de se positionner, de se perdre et de ne pas savoir ce que sera la scène d’après – cette errance est un cadeau qui est devenu trop rare au cinéma.
LE MONDE, 25 JANVIER 2023