L’INNOCENCE

KAIBUTSU

KORE-EDA HIROKAZU

Le comportement du jeune Minato est de plus en plus préoccupant. Sa mère, qui l’élève seule depuis la mort de son époux, décide de confronter l’équipe éducative de l’école de son fils. Tout semble désigner le professeur de Minato comme responsable des problèmes rencontrés par le jeune garçon. Mais au fur et à mesure que l’histoire se déroule à travers les yeux de la mère, du professeur et de l’enfant, la vérité se révèle bien plus complexe et nuancée que ce que chacun avait anticipé au départ…
Une grande référence kurosawaienne plane sur le beau film de Kore-eda, celle de Dodes’kaden (1970), dans lequel un jeune adolescent déficient mental d’un quartier déshérité fait semblant quotidiennement de conduire un vieux tramway à l’abandon. C’est dans un wagon semblable, matrice rouillée transformant l’infortune en consolation ludique, que se réfugient au fond d’un ravin les deux enfants de ce film, dont on comprend qu’ils se sont mutuellement choisis pour leur commune défaillance. L’amitié y est d’ailleurs très proche de l’amour, figure transgressive, pour le coup nouvelle chez Kore-eda, encore que discrètement esquissée ici. La plus belle scène est à cet égard l’aveu que fait Minato à la directrice de l’école, aussi professeure de musique, également éprouvée par un drame intime, laquelle se saisit d’un cor et, lui tendant un trombone, lui intime ceci : «Tout ce que tu ne peux pas dire, souffle-le. ».
JACQUES MANDELBAUM – LE MONDE, 17 MAI 2023