GOUTTE D’OR

CLÉMENT COGITORE

Un médium, des entourloupes, des gamins des rues et le quartier parisien du 18e arrondissement, filmés comme un formidable terrain d’histoires. Polar urbain et mystérieux, Clément Cogitore nous convie à une expérience alchimique.

Depuis ses débuts les récompenses pleuvent sur tout ce que Clément Cogitore, artiste inclassable et pluriel, touche. À commencer – pour s’en tenir au cinéma – par son premier long métrage Ni le ciel ni la terre, film de guerre expérimental à la frontière du fantastique. Suit un documentaire, Braguino (2017), lui aussi couronné de plusieurs prix à l’international. Après des incartades au théâtre et à l’opéra (Les Indes galantes) et dans les musées, Clément Cogitore est de retour au cinéma avec ce nouveau long métrage. Là encore, une réussite, son action se déroule à la Goutte-d’Or, quartier jouxtant Barbès-Rochechouart où le cinéaste a longtemps habité, qu’il connaît bien et dont il donne le pouls de manière vibrante, étrange, sombre et parfois comique à partir d’histoires à dormir debout. Car c’est bien cela –récits, entourloupes à ne pas croire– que met en œuvre le film et dont fait commerce son personnage central, Ramsès (Karim Leklou), arnaqueur de rêves et de consolation, escroc charismatique qui gagne sa vie grâce à ses prétendus dons de médium. L’irruption de jeunes voyous modifie les règles du jeu, dérange les repères, brouille la géographie du quartier. S’opère alors une sorte de glissement de terrain durant lequel une nouvelle mécanique se met en place qui progressivement installe le film dans l’univers puissant, mystérieux du polar urbain. VÉRONIQUE CAUHAPÉ – LE MONDE, 21 MAI 2022