Une artiste et sa mère âgée font face à la résurgence de secrets enfouis lorsqu’elles se rendent dans une ancienne demeure familiale transformée en hôtel, hanté par un mystérieux passé.
Eternal Daughter (produit par Martin Scorsese) marque un passage de cap pour la cinéaste britannique, croisant l’imaginaire gothique d’Edgar Allan Poe (on pense à La Chute de la maison Usher de Jean Epstein ou au Twixt de Francis Ford Coppola) au rythme contemplatif de l’un de ses précédents films, Exhibition.
Le style précis et ciselé de Hogg s’épanouit d’autant plus dans ce film-ci que les jeux de reflet et de dédoublement, pléthoriques dans son cinéma, accompagnent une figure qui ne cesse de passer d’un monde à un autre : des vivants aux morts, de la réalité à la fiction, du présent au passé. En prêtant ses traits à deux personnages qui se donnent la réplique sans parvenir à cohabiter dans le même plan, Tilda Swinton prolonge elle aussi son œuvre passionnante d’actrice liminale.
Weerasethakul, Miller et maintenant Hogg : la pâleur spectrale et l’allure atemporelle de l’actrice semble inspirer aux cinéastes des films en forme d’éloge de l’invisible et de tout ce qui s’évanouit dans la pénombre, avec pour Hogg un virage très personnel, dans un dernier acte lumineux, sur la relation poignante qu’elle a entretenue avec sa mère. Les miroirs du manoir, qui sont quasiment de tous les plans, trouvent alors un écho, bouleversant, dans la manière dont la cinéaste se met ellemême en scène en train d’écrire un film en forme de lettre d’adieu. Film fascinant qui déplie, patiemment et sûrement, ses différentes strates, entre surnaturel et attention portée aux détails les plus intimes.
CORENTIN LÊ – TROIS COULEURS, 06 SEPTEMBRE 2022