Avec mélancolie, Sophie se remémore les vacances d’été passées avec son père vingt ans auparavant : les moments de joie partagée, leur complicité, parfois leurs désaccords. Elle repense aussi à ce qui planait au-dessus de ces instants si précieux: la sourde et invisible menace d’un bonheur finissant. Elle tente alors de chercher parmi ces souvenirs des réponses à la question qui l’obsède depuis tant d’années: qui était réellement cet homme qu’elle a le sentiment de ne pas connaître?
Nous avons décerné le Grand prix du festival à Aftersun de Charlotte Wells, où l’on suit, curieusement, des Écossais en Turquie. C’est l’histoire d’un père divorcé et dépressif qui part en vacances avec sa fille de onze ans, mais rien n’est dit, tout nous est donné à deviner. Réalisé par quelqu’un d’autre, le film pourrait être insignifiant, alors qu’il est fascinant. La réalisatrice a déjà une façon si personnelle de faire du cinéma : elle transforme chaque moment, chaque chose perçue en un temps fort. Cela m’a rappelé un film admirablement dénudé pour lequel j’avais voté et qui avait obtenu le Lion d’or lorsque j’étais dans le jury du festival de Venise, en 2010, Somewhere, que je tiens pour un des plus grands Sofia Coppola. Elle y abordait justement les rapports entre une jeune fille et son père divorcé. Aftersun provoque la même émotion de mise en scène. J’ai été épaté par l’art de Charlotte Wells. ARNAUD DESPLECHIN, cinéaste et président du Festival de Deauville 2022 – TÉLÉRAMA, 11 SEPTEMBRE 2022